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Comment faire des sciences participatives à l'école

Sciences participatives

 

Savez-vous que Vigie-Nature possède des observatoires qui se pratiquent… à l’école ? En participant à Vigie-Nature Ecole, les enseignants mettent en place avec leurs élèves des protocoles de science participative. Comment doivent-ils s’y prendre ?

J’ai suivi Sébastien Turpin, responsable du programme, à une formation qu’il a récemment donnée à des conseillers pédagogiques. Des « profs de profs » en somme qui se feront le relais du dispositif dans les écoles.  Je vous livre quelques séquences de la journée avec des témoignages. 

Enfin je vous dévoile en exclusivité les premiers résultats d’une étude menée par Vigie-Nature Ecole auprès des enseignants.        

« Savez-vous ce qu’est la biodiversité ? » Sébastien ne s’adresse pas à des élèves de 6ème, non, mais à un petit groupe de conseillers pédagogiques. D’abord surpris par la simplicité apparente de la question, ceux qui formeront à leur tour les enseignants restent un temps silencieux. Puis les doigts se lèvent timidement : « vivant », « relation », « connexion »… les mots clés sont là.

La biodiversité c’est la vie

Pourquoi commencer ainsi ? Comme le rappelle Sébastien, la notion de biodiversité est d’une importance capitale : savoir ce qu’elle recouvre est un préalable pour aborder sa conservation. Pourtant, ce terme un peu « valise » de nos jours reste flou pour beaucoup. Plus encore pour un enfant. Qu’est-ce que la biodiversité, donc ? Sébastien cite le professeur et biologiste Robert Barbault : « C’est le tissus vivant de la planète ». En d’autres termes : l’ensemble des animaux et des végétaux, dans toute leur diversité. « Mais n’oublions pas la notion d’interactions, de liens entre espèces ; la biodiversité c’est la richesse du vivant à plusieurs échelles (chaîne alimentaire mais aussi symbioses etc.) » La biodiversité c’est la vie !

Sébastien Turpin avec les conseillers pédagogiques de l'académie d'Orléans-Tours       

Une fois qu’on a défini le terme, on peut aborder les causes de son érosion. On les retrouve à trois niveaux : dans les sols – qui contiennent 30% de toute la biomasse de notre planète –, gravement affectés par l’étalement urbain (tous les ans, l’équivalent d’un département français est minéralisé !). Viennent ensuite les effets de l’agriculture intensive et enfin ceux du réchauffement climatique. Lorsque l’on évoque la biodiversité menacée, il est facile d’émouvoir les enfants avec quelques animaux rares et emblématiques, tels que l’Orang-outan ou l’Ours polaire. Mais que peut faire un élève de sixième face à ce constat ?  Il se sent tellement éloigné du problème, impuissant… 

« Sur 83 000 espèces menacées sur la liste de l’UICN, 24 000 le sont d’extinction. Sans compter toutes celles qui figurent dans d’autres catégories : « grave danger », « préoccupation importante » etc. » Et parmi elles, une grande proportions d’espèces dites communes, nos voisines de palier. Les insectes pollinisateurs des jardins ne se portent en effet pas beaucoup mieux que l’Orang-outan et l’Ours polaire. Ainsi la France se situe dans le top 10 des pays abritant le plus d’espèces menacées ! « Il faut savoir que la biodiversité est avant tout un problème local. » Ambiance dans la salle…

Interactions - © Natureparif

Un peu déprimant certes. Mais est-ce trop tard pour agir ? Non !

Pourvu qu’on parvienne à sensibiliser, à montrer que la biodiversité est en ville, dans les exploitations agricoles, partout autour de nous. Et pour beaucoup d’enfants c’est loin d’être une évidence ! Plusieurs études ont été menées sur la déconnexion des jeunes avec la nature, notamment des citadins. Sébastien brandit quelques chiffres qui donnent le vertige. Le temps cumulé passé dehors aurait été divisé par deux  entre 1997 et 2003. Au Japon, en 1998, 20% des jeunes n’avaient jamais capturé d’insectes ;  en 2008… le double !

« D’où cette question qui vous concernent : est-ce que vous pouvez, vous enseignants, (re)créer un début de lien entre les enfants et la nature ? Oui ! Comment ?

Nous avons une réponse : la science participative. »

Après un bref exposé des principes généraux que je ne vous détaille pas ici, Sébastien présente rapidement les 7 protocoles Vigie-Nature Ecole. « Ces protocoles sont conçus pour être accessibles aux enfants et rapidement mis en place. Autre exigence que nous nous sommes imposées : que vous puissiez observer les espèces pendant la période scolaire. » L'un d'entre eux, Opération Escargots, répond parfaitement à ces critères. Avec celui sur les oiseaux, c’est le protocole plus pratiqué dans les écoles.

Justement, place à la pratique !

Les 7 protocoles que propose Vigie-Nature Ecole avec le calendrier d'application

 

Opération Escargots

« Vous pouvez me citer quelques espèces d’escargots ? » demande Sébastien, incrédule. On lui renvoie les plus connus : « Le Petit-gris », le « Bourgogne »…, « l’Escargot des haies »… Point.

« On en dénombre 300 espèces en France ! Mais rassurez-vous, avec trois, vous êtes dans la moyenne. » Le premier intérêt du protocole semble ainsi évident : « faire prendre conscience aux élèves de cette richesse écologique. Montrer la très grande variation d’espèces d’escargots. »

Vigie-Nature Ecole propose deux protocoles pour les escargots à pratiquer en octobre, entre le 15 mars et le 15 avril et entre le 15 et le 30 juin.

Le premier est très simple. On attend qu’il pleuve, puis on équipe les élèves de bottes, d’un k-way et on déclare ouverte la chasse aux escargots dans la cour de récré ou ailleurs. « Si l’activité rencontre un fier succès chez les tout petits, difficile en revanche de motiver les collégiens » prévient Sébastien. La solution dans ce cas : le deuxième protocole.

Il s’agit de déposer une (ou plusieurs) planche en bois (40 cm sur 40) sur le sol. Une planche de bois brut et non traité. Et… d’attendre. Puis, un jour de beau temps on peut venir la soulever et observer les escargots venus s’abriter dans cette zone restée humide. Une seule contrainte : il faut placer les abris au moins un mois à l’avance. L’escargot étant ce qu’il est en termes de réactivité, laissons-lui le temps de rejoindre son abri. « Vous pouvez laisser la planche 10 ans, elle n’en sera que plus attractive ! Du coup, la première année, vous risquez de ne pas rencontrer grand monde. Soyez patients ! »

Le protocole Opération escargots, avec la planche © Pierre Tillier 

Après la sortie de terrain, le moment crucial : la détermination. « Je distribue un escargot par personne. » annonce Sébastien. Aux conseillers pédagogiques d'entrer en action. 

Chaque membre de la formation doit se mettre dans la peau de l’élève. Le but du jeu : trouver le nom de l’animal. Ils ont deux outils à disposition.

-La "planche coquille". Elle se matérialise par une simple planche de détermination qu’on peut imprimer en format A4 (dans le livret de participation), sur laquelle on retrouve tous les escargots de France en taille réelle. On peut ainsi comparer et associer les spécimens fraîchement chassés avec les photos où figure le nom de l’espèce. Un moyen de détermination adapté pour les très jeunes, il suffit d’observer et savoir lire un nom pour identifier l’escargot. Sébastien soumet à ses "élèves" la clé de détermination, le plus intéressant.

-La "clé de détermination". « Pour vous donner une image, c’est un peu comme dans un livre dont le lecteur est le héros. On lit un paragraphe avant de vous proposer d’aller en page 243 pour « tuer le dragon » ou en page 244 pour « visiter le château ». Avec, ensuite, deux histoires différentes qui se poursuivent en parallèle ». Ici, on interroge l’élève sur des critères morphologiques : « avec ou sans coquille ? » S’il y a une coquille : « plus de 5cm ou moins de 5cm ? » etc. jusqu’à ce que l’on trouve l’espèce en question.  Ce n’est pas évident pour tout le monde : certains font des allers-retours sur la planche, d’autres parviennent à une espèce finale qui ne ressemble pas tellement à celle qu’ils ont dans leur mains… « Faire des erreurs est tout à fait normal, cet exercice correspond clairement à une démarche scientifique de naturaliste. » rappelle Sébastien. Des mots de vocabulaire relativement complexes y figurent aussi, pour que les élèves apprennent quelques termes scientifiques. Mais rien de compliqué : pour chaque mot un peu abscons - ombilique, ornementation... -un dessin leur vient en aide.

"Alors, vous avez tous trouvé le Petit gris ?"

Si certains n'ont pas réussi du premier coup, tous s'accordent sur le caractère ludique de l'exercice, et sur son efficacité en termes de  démarche scientifique. Ecoutez les réactions des conseillers pédagogiques sur le lecteur ci-dessous.

La planche à coquilles (à gauche) et la clé de determination (à droite) pour identifier les espèces

« Maintenant je vais vous expliquer ce que l’on peut faire scientifiquement de ces résultats. Après les déterminations, vous avez la possibilité de les interpréter. » Quelles espèces sont les plus fréquentes ? En général, suivant les régions, on obtiendra le Petit-gris, l’Escargot des haies et le Velouté (avec un duvet sur la coquille).

Surtout, l’intérêt est de faire un suivi des populations d’escargots dans l’enceinte de l’école. Et de comprendre les liens entre populations observées et milieu dans lequel ils vivent. « Est-ce qu’on observe moins de spécimens lorsque le jardinier tond régulièrement ses pelouses ? Ou lorsqu’on les traite avec des pesticides ? »

Une corrélation intéressante à montrer aux élèves : plus la diversité de la flore est importante, plus les escargots sont abondants

Grâce aux cartes d’abondance disponibles sur le site (et dans les bilans que nous envoyons chaque année), on va pouvoir se situer : est-on dans la moyenne de la région ? A-t-on une forte ou une faible abondance de certaines espèces ?  Arrive ensuite la question du mode de gestion : comment faire pour améliorer la biodiversité de l’école ? A partir de corrélations déjà déterminées par les chercheurs on va pouvoir estimer s’il faut augmenter la présence de plantes, diminuer la tonte des pelouses etc.

Une dernière chose sur laquelle Sébastien insiste à la fin de la formation, c’est la saisie des données. Car sans saisie des données, les chercheurs n'y ont pas accès, ce qui rend l'opération vaine...  Surtout qu'entrer les résultats sur le site est d’une facilité et d’une rapidité déconcertante. « Pourtant, selon une étude que nous avons effectuée sur 250 classes qui participent à Vigie-Nature Ecole, un professeur sur deux ne saisit pas ses données… » Ces résultats frappants que partage Sébastien à l'issue de la formation proviennent d'une étude sur le point d'être publiée. Elle dévoile quelques chiffres très intéressants. Avant de vous en dire davantage, écoutez les témoignages de Pascale et Stéphane, tous deux conseillers pédagogiques.

Si vous êtes intéressés pour suivre une formation, que vous soyez professeur du primaire, secondaire ou conseiller pédagogique rendez-vous sur le site du Plan Académique de formation de votre académie.

Pour les autres, parlez en autour de vous et n'hésitez pas à vous rendre sur  le site Vigie-Nature Ecole.

 

 

Formation Vigie-Nature Ecole (2014)

Nouvelle étude : quelles sont les pratiques des enseignants 

Comment les professeurs pratiquent le programme ? C’est une question que Sébastien Turpin s'est posé avec une équipe de didacticiens de l'université Paris Diderot. Cela a débouché sur une étude dont les résultats viennent d’être dévoilés. Même si l’article ne sortira que prochainement, nous vous partageons aujourd’hui quelques résultats marquants. 

L’année dernière vous avez peut-être répondu vous-même à un questionnaire envoyé au réseau de professeurs impliqués dans Vigie-Nature Ecole. Parmi les 250 répondants, la majorité d’entre eux avait mis en place un protocole dans sa classe. Des questions sur leurs pratiques leur ont été posées, sur les objectifs pédagogiques, mais aussi sur leur lien avec la nature etc.

Déjà bonne nouvelle : vous êtes une grande majorité (85%) à vous être lancés dans VNE pour sensibiliser vos élèves à la biodiversité. Vous êtes autant à apprécier la dimension concrète de l’enseignement sur le terrain. Et enfin la plupart des enseignants y voient un bon moyen de s’engager avec leurs élèves dans la préservation de la biodiversité.

Aussi 3 résultats ont interrogé Sébastien et son équipe :

- 85% des enseignants déclarent participer à VNE pour contribuer à la recherche. Mais, comme évoqué plus haut, seuls 50% d’entre eux déclarent envoyer leurs données... Sur les 47 personnes qui n’ont pas transmis leurs données, 21 mettent en avant le manque temps ou l’oubli. Argument ambigüe, car on vous le répète : la saisi des données ne prend que quelques minutes. Tout a été fait pour faciliter au maximum cette tâche.

-Autre fait notable : l’interdisciplinarité. La réforme du collège a voulu mettre cette pratique au cœur de l’enseignement. Seul 45 % des enseignants interrogés profitent de VNE pour  mettre l’interdisciplinarité en pratique. C’est peu vu le fort potentiel du programme qui peut combiner de multiples enseignements : grandeur physique des milieux, analyse géographique du lieu, communication en français etc. Si l’on regarde de plus près ces résultats, on voir que les professeurs des écoles sont plus enclins à l’interdisciplinarité que les professeurs d’SVT.

Nous vous en dirons plus prochainement !

Les 13 objectifs proposés sont importants pour la majorité des ensignants. Seule la pluridisciplinarité a du mal à convaincre.

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